L’océan de la lune Europe à portée de sonde.
La lune de Jupiter Europe possède un océan sous une couche de glace de plusieurs kilomètres d’épaisseur. Les astronomes pensent désormais qu’une partie de l’eau liquide se fraye un chemin jusqu’à la surface : une sonde pourrait alors l’analyser.
Europe, lune de Jupiter, photographiée par la sonde américaine Galileo.
Crédit : NASA/JPL
La plus grande planète du système solaire, la géante gazeuse Jupiter, possède une soixantaine de satellites naturels. Toutefois, ce sont ces lunes galiléennes qui dominent très largement en taille ce cortège. Nommées ainsi, car découvertes par l’astronome italien Galilée en 1610, elles sont au nombre de 4 : Io, Europe Ganymède et Callisto. Avec 3.121 km de diamètre, Europe est la plus petite. Avec l’exploration du système solaire par des sondes, cette lune est entrée au catalogue des rares objets susceptibles d’abriter ou d’avoir abrité de la vie dans le voisinage de la Terre (au même titre que Mars et plus récemment la lune de Saturne Encelade). Ceci, car la surface d’Europe est une sorte de banquise qui la recouvre intégralement. Le peu de cratères et le fait que d'impressionnantes fractures soient visibles montrent que cette glace bouge. En ajoutant à ces faits d’autres données, les planétologues ont acquis la certitude qu’un océan d’eau liquide de 100 km de profondeur existe sur cette lune. Bien évidemment, la possibilité qu’une vie ait pu émerger a de maintes fois été envisagée.
La banquise d’Europe détaillée sur ce cliché de la sonde Galileo (mission achevée en 2003). L’aspect chaotique de la surface indique une géologie active : la couche de glace qui recouvre l’océan bouge et se fracture.
Crédit : NASA/JPL
Mais alors, pourquoi ne pas y faire atterrir une sonde qui percerait la glace afin de prélever un échantillon d’océan pour l’analyser ? Cette belle idée se heurte à un problème de taille : la banquise d’Europe ferait plusieurs kilomètres d’épaisseur... En l’état actuel de la technologie et de la limite de masse des engins pouvant être envoyés vers cette destination, atteindre le «monde aquatique» de cette lune reste une mission quasi impossible. Toutefois, l’astronome américain Mike Brown (qui a découvert la planète naine Éris) a mené plusieurs observations d’Europe avec le télescope géant de 10 m de diamètre Keck II situé sur l’île d’Hawaii.
A Hawaii, l’observatoire Keck abrite deux télescope géants identique de 10 m de diamètre baptisés Keck I et Keck II.
Crédit : Keck Observatory/Enjoy Space
Grâce à la grande précision du spectrographe OSIRIS de ce télescope, ils ont pu analyser avec une finesse inédite la lumière qu’Europe réfléchit du Soleil. La signature d’un sel de sulfate de magnésium a ainsi été détectée. Un simple détail ? Pas vraiment ! Ceci indique que l’océan d’Europe parvient par endroits à atteindre la surface. À ce sujet, Mike Brown est catégorique : «Le magnésium ne devrait pas être à la surface d’Europe à moins qu’il ne vienne de l’océan. L’astronome continue : «Ceci signifie que l’eau de l’océan arrive à la surface et que des éléments à la surface parviennent probablement dans l’eau de l’océan».
Schéma montrant comment l’eau de l’océan subglaciaire d’Europe parvient à la surface de cette lune.
Crédit : NASA/JPL-Caltech
Cette découverte ouvre la voie au fait que des molécules à base de carbone (les briques de base du vivant) aient pu «contaminer» l’océan d’Europe, amenées par exemple lors d’impacts cométaires (hypothèse envisagée pour la Terre). Mais surtout, cela signifie que cette lune nous envoie «gratuitement» des échantillons de son océan à sa surface. Dès lors, plus besoin de forage sur des kilomètres, mais d’une sonde qui atterrirait au bon endroit et serait dotée de laboratoires d’analyses. Kevin Hand, du Jet Propulsion Laboratory de la NASA et associé à cette découverte de Brown, exprime ainsi l’intérêt que représente l’océan de la lune de Jupiter pour la recherche de la vie : «Notre océan est un bel océan salé. Peut-être que l’océan salé d’Europe est aussi une merveilleuse place pour la vie». Si une telle mission reste certes un formidable défi technologique, l’océan d’Europe semble à portée non pas de main, mais de sonde.