C'est bien cela, dans l'ensemble. Pour ce qui concerne l'accélération de la pesanteur (ou la gravité si l'on veut) étudiée à l'échelle globale, son augmentation avec la latitude semble déjà connue. Un globe en rotation relativement rapide aura tendance à s'aplatir selon son axe de rotation, ce qui rendra les régions équatoriales plus éloignées du centre de gravité que les pôles. Mais ces régions équatoriales s'éloignent du centre de gravité en raison d'une pesanteur affaiblie par la force centrifuge ; on confond la cause et son effet quand on explique, à l'inverse, que la gravité est affaiblie parce qu'on se situe plus loin du centre de gravité de la planète.
Maintenant, il existe des anomalies locales de gravité, limitées géographiquement donc, qui ne répondent pas à une régularité apparente. Si le sous-sol est composé de matériaux plus denses (soit par une composition différente, soit par compression locale du même matériau qu'aux environs), alors on se retrouvera devant un excédent de matière, qui se manifestera par la gravitation. À l'intérieur de la Lune, les anomalies locales portent le nom de "mascons", sorte d'acronyme provenant de la contraction du vocable
mass
concentration. Les mascons coïncident pour la plupart aux grands bassins d'impact qui sont devenus les mers lunaires. Les planétologues ont d'abord pensé avoir détecté les impacteurs enfouis dans le sous-sol lunaire, avant d'enquêter davantage sur la question et de se rendre compte que les impacts censés avoir creusé les futures mers lunaires étaient bien trop énergétiques et violents pour permettre la conservation de l'impacteur. Ce dernier se vaporise presque complètement et ne subsiste, au mieux, qu'à l'état de miettes. Ce que les mascons laissent deviner, c'est un sous-sol modifié dans sa structure et rendu plus dense par l'impact.
Sur Terre, les différences de densité dans le sous-sol expliquent les anomalies locales de gravité. Les masses continentales apparaissent de manière claire dans les relevés gravimétriques ; les roches composant la croûte continentale sont moins denses que celles composant le plancher océanique, mais la croûte continentale étant plus épaisse, c'est elle qui constitue en somme une concentration de masse. Les mouvements de convection à grande échelle dans le manteau exercent également une influence. La circulation convective fait intervenir une montée de matière chaude, un refroidissement, une retombée de matière froide un peu plus loin, un réchauffement et ainsi de suite. Les variations de températures se répercutent par une dilatation ou une contraction thermique, d'où des excès ou des défauts apparents de masse.
L'aplatissement prononcé des planètes gazeuses doit beaucoup au fait qu'elles sont, précisément, gazeuses. Une planète composée de différentes épaisseurs ségrégées, les plus denses au centre et les plus légères en périphérie, s'aplatira de manière plus sensible qu'avec une composition homogène, partout pareille. La remarque s'applique au fond aux planètes telluriques aussi, vu qu'elles sont différenciées de manière semblable en un noyau dense entouré d'une enveloppe plus légère. Ceci donne d'ailleurs un moyen d'esquisser la structure interne d'une planète : avec la masse totale, la vitesse de rotation et l'aplatissement d'une planète, il ne reste qu'une inconnue au problème, et c'est la répartition de la masse dans le volume de la planète.
- Citation :
- Enfin, est-ce qu'une planète en orbite autour d'une autre (tellurique ou gazeuse), soumise à une rotation synchrone, peut-elle avoir des différences de gravité sur sa surface en rapport avec l'influence de la planète mère ?
Oui, par effet de marées. Seulement, avec une rotation synchrone, les différences de gravité qui se manifestent par des déformations du globe (les bosses de marées) ne se déplacent pas à la surface de ce globe. La relation va plus loin, car les effets de marées entraînent eux-mêmes la synchronisation : en se déplaçant sur la surface du globe, les déformations consomment une dose d'énergie prélevée sur le mouvement de rotation. La situation se stabilise quand les déformations de marée restent fixes par rapport à la surface du globe soumis à ces marées, c'est-à-dire en situation de synchronie.
Pour résumer, la gravité sera légèrement plus faible sur la face tournée vers l'autre planète, de même que sur la face opposée. L'affaiblissement relatif provoquera d'ailleurs le soulèvement des bosses de marées. Mais l'effet reste minime, faute de quoi les déformations deviennent tellement prononcées que l'objet subissant les marées se brise - on franchit alors la limite dite de Roche.