NASA -- A la demande particulière (car pas du tout générale), je me propose de résumer les principaux enseignements de la mission Deep Impact, qui rappelons-le devait survoler la comète Tempel 1 tout en larguant un projectile destiné à la percuter. Le matériau soulevé lors de l'impact a été observé par de nombreux instruments, embarqués sur la sonde de survol comme sur des observatoires spatiaux et terrestres.
Cette série de vignettes photographiques présente le développement de l'impact, avec l'éjection d'un imposant panache de débris dont les flèches indiquent l'ombre. Le noyau cométaire, intact en haut à gauche, mesure onze par sept kilomètres. L'impact avec la masse de 400 kg s'est produit à une vitesse de dix kilomètres par seconde et selon un angle de 25 degrés. Les températures ont rejoint presque instantanément l'ordre du millier de degrés, vaporisant littéralement le projectile et le site de l'impact. Ce globule de matière incandescente s'est ensuite propulsé vers le "haut" à raison de cinq kilomètres par seconde.
L'équipe des scientifiques s'étaient amusés à prendre les paris sur la taille du cratère creusé par l'impact. Si cagnotte il y a eu, elle est toujours remplie, car on n'a jamais vu la moindre esquisse des contours de ce cratère. Les estimations se portent sur un quart de kilomètre environ. La première conséquence de l'impact était aussi la première surprise : on ne s'attendait pas à ce qu'autant de matière soit expulsée. Il faut en conclure que le matériau recouvrant la surface d'un noyau cométaire consiste en une très fine poudre, de texture analogue au talc. Nous sommes loin de l'image consommée du noyau cométaire comme boule de neige sale.
Pourtant, le noyau cométaire montre de présumées traces d'impact de tailles diverses et nettement dessinées, ainsi qu'une énigmatique région parfaitement lisse. Les noyaux des comètes Halley, Borrelly ou Wild 2, eux aussi vus d'assez près, n'arboraient pas ce genre d'accidents de relief. Le caractère extrêmement poreux de la surface cométaire lui confère une conduction thermique médiocre. La chaleur dispensée par le Soleil est dégagée aussi vite qu'elle est absorbée, et n'est apparemment pas véhiculée vers les profondeurs du noyau. L'intérieur d'une comète ne semble dès lors pas subir de variations de température, ce qui va dans le sens des suggestions antérieures.
Dans le panache ont été détectées de nombreuses molécules contenant du carbone, confirmant s'il le fallait que les comètes renferment une abondante quantité de substances organiques. La glace s'est manifestée de deux manières successives : sous forme de vapeur surchauffée et émettrice de lumière infrarouge, puis sous forme de particules gelées projetées par l'impact, absorbant la lumière cette fois.
Le télescope infrarouge Spitzer a été mis à contribution pour l'événement. Sa besace spectrographique s'est remplie silicates, un terme générique reprenant l'essentiel de ce que nous appelons communément "roches", ou plus fidèlement encore "sable" en parlant des comètes. Aucune surprise jusque là, du moins pas avant d'arriver à l'argile et aux carbonates. Ces deux composés étaient plus qu'inattendus, car dans l'interprétation courante de leur genèse, l'eau liquide leur est indispensable pour se former. Nous n'en sommes pas à supposer qu'il a pu pleuvoir sur Tempel 1, mais il n'en reste pas moins que les spécialistes peinent à trouver une explication pas farfelues à une découverte vraiment bizarre. Ne manquant pas de ressources, ceux-ci alimentent l'intuition pas si récente que le tout jeune Système Solaire était un lieu de mélanges intenses. Du matériau constitué près du Soleil, avec la possible intervention d'eau liquide, a pu se retrouver incorporé dans le même objet que des produits du terroir transneptunien. Pour poursuivre dans l'inédit, attirons l'attention sur des molécules à base de fer et des hydrocarbures aromatiques ; le résidu noirâtre des grilles de barbecue et la fumée d'échappement automobile sont particulièrement fournis en hydrocarbures aromatiques.
En plus de détecter des silicates, Spitzer a permis de déterminer que ces composés se trouvent à l'état de minuscules cristaux. Un minéral plutôt typique (en tout abondant sur Terre) est l'olivine, dont le péridot représente une variété assez fine pour être taillée et montée en bijoux.
Les comètes ayant assuré la construction des planètes externes, et singulièrement Uranus et Neptune, ces données ne nous seront pas utiles que pour mieux connaître les comètes. On trouve une assise plus ferme et solide des deux côtés de l'édification planétaire, à présent, et il ne reste plus qu'à mettre les deux en relation. Plus près de nous, les comètes ont activement bombardé ou saupoudré les planètes internes, dont la Terre évidemment, de leur matière que l'on sait déjà pourvue en molécules organiques. La problématique de l'origine de la vie trouve ici quelques éléments de réflexion de forte valeur.
La sonde Deep Impact est repassée à plusieurs reprises près de la Terre, et s'est servi du coup de pouce gravitationnel de cette planète pour être dirigée vers une comète, Hartley 2. Nous en reparlerons en novembre de l'année prochaine. La sonde Stardust, qui a traversé les parages de la comète Wild 2 en collectant une pincée d'échantillons au vol a aussi été réorientée vers un second noyau cométaire : Tempel 1, que l'on reverra donc défiguré. En fait, l'extension de la mission Deep Impact fut aussi l'occasion d'un nouveau baptême, et officiellement Deep Impact s'appelle désormais EPOXI. On suivra son parcours, avec une documentation richement fournie, quoiqu'en anglais, sur le site web de la mission